Vingt et un pères de familles enseignants obtiennent leur retraite anticipée à 55 ans
Parce qu'ils ont élevé au moins trois enfants, le tribunal administratif de Poitiers a accordé leur retraite aux fonctionnaires en vertu de l'égalité hommes-femmes
 
Jacques Persyn, maire de Mornac et conseiller général du canton de Ruelle s'occupait déjà beaucoup de politique. Depuis hier matin et sa sortie du tribunal administratif de Poitiers, il sait qu'il va pouvoir s'y consacrer encore davantage. Le juge des référés a décidé qu'il était «officiellement» retraité depuis le 30 avril dernier. Il n'a que 57 ans, mais comme vingt autres enseignants de l'académie de Poitiers, il est père de quatre enfants. Hier, selon une jurisprudence dont il est d'ailleurs à l'origine, confirmée par la Cour européenne de justice et le Conseil d'Etat, le tribunal administratif a de nouveau jugé que les fonctionnaires pères de trois enfants au minimum pouvaient partir plus tôt. Jusqu'alors, l'Education nationale avait une lecture restrictive des textes et n'accordait cette retraite anticipée qu'aux mères de trois enfants. «On subissait une discrimination sexiste» , estime Jacques Persyn, quand la Cour européenne parle du droit des «parents». Hier, il était «très satisfait» de la décision. Avec un bémol. «C'est toujours une grande victoire lorsque l'on réussit à faire valoir ses droits. Mais il n'est pas normal de devoir en passer par la justice».

Une jurisprudence poitevine

Le maire de Mornac, professeur de mathématiques au collège de Puyguillien, avait fait sa demande officielle au rectorat le 19 janvier dernier, pour faire valoir ses droits à compter du 30 avril 2004. «Je n'ai pas eu de réponse. Au bout de deux mois, cela avait donc valeur de refus de la part du rectorat. J'ai attaqué en justice.» Jacques Persyn ne partait pas en terrain totalement inconnu. En juillet 2003, déjà, le tribunal administratif de Poitiers avait donné satisfaction à un professeur de sport de l'académie, âgé de 56 ans, qui prétendait à une retraite anticipée. Le tribunal administratif n'avait fait qu'étendre à ce père de famille le bénéfice de l'article L.24 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui stipule qu'une femme fonctionnaire ayant élevé trois enfants et justifiant de quinze années de service peut faire valoir ses droits à la retraite avec jouissance immédiate de la pension. La Cour européenne de justice, dans un arrêt de 2002, parle, elle, de «parents». En janvier 2003, un arrêt du conseil d'Etat a établi le principe de l'égalité hommes-femmes en matière de retraite. Hier, vingt et un enseignants en ont profité, dont treize profs de lycée ou de collège - onze étaient de Charente-Maritime - et huit de primaire ou du supérieur qui, comme Jacques Persyn, le seul Charentais, se sont engouffrés dans la brèche. Au rectorat, qui dans le mémoire porté par son avocat à l'audience s'en remettait à la sagesse du tribunal administratif, la décision n'a pas vraiment surpris. «Nous avons un volant de titulaires remplaçants. On avait un peu anticipé les possibles décisions du tribunal. Il y aura un enseignant titulaire à chaque poste dès que les départs en retraite seront effectifs». La date n'est pas encore connue. Elle dépend de la notification du jugement. Pour autant, si l'Education nationale semble la seule administration touchée par ce genre de recours, le rectorat dit ne pas se faire de souci pour l'avenir. «Nous n'avons pas pour l'instant effectué de projections». La FSU, la principale fédération de syndicats enseignants, affirme pour sa part qu'en Poitou-Charentes une trentaine de dossiers serait en attente.